Non ce n’est pas une tentative de suicide, je souhaite vraiment réhabiliter La Menace Fantôme. Évidemment, c’est le film qu’on adore détester, assurant qu’il n’y a rien à garder. C’est pourtant tout à fait faux. Non pas que je ne supporte pas qu’on critique la saga (ceux qui me lisent savent bien que je le fais avec brio). Mais il je constate trop souvent que ceux qui crachent sur ce film n’ont pas saisi ce qu’est Star Wars pour son créateur. Un élément capital pour comprendre cette saga.
Un peu d’histoire
Laissez-moi chausser mes lunettes à double foyer.
C’est dès 1993 que Georges Lucas annonça son travail sur la prélogie. D’ailleurs, il parla pour la première fois d’une construction en 9 films dès 1979, durant le développement de l’Empire Contre-Attaque, qui a été le détonateur de ce projet de grande ampleur.
Il aura fallu six ans pour voir le premier film de la prélogie au cinéma, en 1999. Six ans de construction de la trilogie, de travail scénaristique et bien évidemment de défis technologiques, car une fois encore Georges Lucas a repoussé les limites des effets spéciaux au cinéma. Car si les acteurs semblent parfois perdus sur ce fond vert, combien de films ont été fait ainsi depuis ?
La Menace Fantôme, premier épisode de la prélogie est donc sorti à la veille de l’an 2000, avec un budget de 115 millions de dollars (moitié moins que pour l’épisode VII). Les attentes étaient fortes et la déception n’en fut que plus grande pour beaucoup, ce malgré le milliard de dollars de recettes dégagé, sans parler des produits dérivés.
Mais avant de crier au scandale, il est important de réfléchir à la dynamique de cette prélogie et particulièrement de ce premier film.
Un film 100% neuf… avec un background
Avec la Menace Fantôme, Georges Lucas a voulu mettre en place un background. Un background solide, une construction politique et sociale cohérente. Il y a ensuite implanté ses personnages, dont on ne sait quasi rien de tout le film, les développant dans les deux suivants.
Cet univers est au moins aussi vaste et riche que celui de la trilogie originelle, tout en ne lui empruntant quasiment rien !
C’est ce qui a mis les fans de travers : L’absence totale de repères par rapport à la première trilogie. Pas un chasseur, pas une planète, pas une strate de quoi que ce soit ne nous rappelle les anciens films. Tout est nouveau.
Au final, le seul élément ramenant à la première trilogie est Tatooine. Point.
Mais ne serait-ce pas le fruit d’une grande créativité ? A quel moment créer quelque chose de nouveau est-il condamnable au cinéma ?
Un détail pour certains, qui lui reprochent bien plus. Nous y venons rassurez-vous.
La parfaite vision de son créateur
Avec La Menace Fantôme, certains fans s’attendaient à ce qu’on a fait avec The Force Awakens de façon largement excessive. Resservir du stormtrooper et tous les ingrédients « basiques de chez basique » de la trilogie. S’attendaient-ils à un hommage aux précédents films ? À des codes cinématographiques actuels, avec des plans serrés, de la caméra portée ?
Paf, raté !
Georges Lucas savait précisément de quoi était fait l’univers de sa prélogie et il voulait l’installer avec précision. Il n’a pas tenu compte de l’attente des fans car il considérait qu’il n’avait pas à le faire. Les fans le sont devenus grâce à cette même vision qu’il avait. Certains peuvent lui reprocher cela… Mais est-ce légitime ? Ça peut l’être vis-à-vis de Disney aujourd’hui. Mais le public doit-il exiger quelque chose du créateur originel en lui-même ? Méditons.
Au final, avec La Menace Fantôme, Georges Lucas a rappelé au genre humain que Star Wars est son œuvre, son univers et sa création.
Un récit solide, un film sincère
Georges (nous sommes proches, souvenez-vous) a porté La Menace Fantôme là où il le voulait, en installant un background super solide pour ses deux films à venir… tout en faisant un récit qui tient tout à fait debout seul, sans l’aide d’aucun autre.
Un récit complet et structuré, avec un début, un milieu et une fin. Tout le contraire de The Force Awakens, justement. L’épisode VII ne tient pas sans les précédents… ni les suivants. Et c’est avant tout ici qu’ils entrent en opposition. Dans L’épisode I, il n’y a pas d’hommage ni de nostalgie. Il y a un vrai projet cinématographique.
Voilà pourquoi La Menace Fantôme est et restera le film le plus sincère de Georges Lucas et de toute la saga Star Wars, ce avant même le Retour du Jedi.
On y perçoit la véritable vision d’un créateur, la mise en image de sa volonté. Qu’on y adhère ou pas, c’est quelque chose de remarquable, particulièrement sur les productions d’une telle dimension.
Il faut cerner la vision que Georges Lucas a de son œuvre : Un soap opéra galactique
C’est même fondamental pour saisir l’essence même de Star Wars. On devrait tous commencer par ça avant de commenter le moindre détail de la saga.
Pour Georges Lucas, Star Wars est un Soap opéra familial sur fond de Science-Fiction.
Tout est dit ici, répétez-vous cette phrase en boucle et revoyez votre perception de la saga. C’est ainsi et il faut l’accepter. Ça n’a rien de nouveau et il l’a récemment répété dans cette interview. Ce film ne sera jamais un Starship Troopers ou un Blade Runner. Alors inutile d’en attendre la version Lucasfilm.
Mais revenons sur cette définition, le Soap Opéra Familial.
. Un soap opéra : Par définition, le soap opéra traite de la relation entre membres d’une même famille, ou tout du moins d’un groupe d’individus rassemblés par un point commun décisif dans leur quotidien (leur lieu de travail par exemple). Le soap se concentre sur les difficultés familiales ou de couple. Les intrigues se construisent autour de rencontres, de rendez-vous manqués, d’heureux ou malheureux hasards.
. Familial : Cette dynamique est fondamentale. Star Wars ne s’adresse pas aux adultes ou aux enfants, mais aux deux en même temps. Voilà pourquoi dès le départ le casting de l’épisode IV pensait jouer dans un film pour enfants. Star Wars n’a jamais été une saga pour trentenaires avides d’actions. L’Empire Contre-attaque, qui est le plus sombre de la saga, en est l’unique exception sur la première trilogie… et Lucas ne l’a pas réalisé. Cette dynamique familiale explique les Gungans et le Jarjar Binks de la discorde. Le juste dosage n’a pas été trouvé dans ce film bien évidemment, mais il n’est pas un « non-sens » comme certains le disent bien trop souvent. C’est un personnage qui a tout à fait sa place dans Star Wars… même si on adore le détester.
La mise en place d’une trilogie cohérente
Là où la cohérence de la prélogie est intéressante, c’est dans le développement d’Anakin Skywalker et dans le traitement de chacun de ces trois films. Dans La Menace Fantôme, c’est un enfant. Puis il grandit et change au fur et à mesure des deux autres films. Or, les films en eux-mêmes se transforment, pour être de plus en plus adultes, sérieux et matures.
Si vous pensez que c’est un hasard ou la gueulante des fans qui a tout changé… vous vous trompez.
. Le background galactique de space opéra particulièrement abouti lui permet quasiment de créer un nouveau sous-genre : Le Soap space Opéra.
Un caractère épique inégalé
Quelque chose d’assez unique se déroule avec Star Wars et à trouvé (à mon avis) son point culminant avec La Menace Fantôme : Son caractère épique et mythologique.
Ce qui explique d’ailleurs le point de vue très contemplatif de certains plans, comme le combat final. Des plans très larges nous laissent percevoir une pièce immense avec au fond trois brindilles lumineuses pour représenter le duel à trois. Une dynamique opéra qui laisse également s’exprimer la musique. Rares sont les films laissant autant de place pour celle-ci. Ce qui explique également pourquoi cette dernière est devenue culte. Ce qui explique pourquoi Star Wars et ses deux premières trilogies ne sont pas des films nerveux, laissant place à l’action. Nous sommes face à un récit mythologique.
L’excès inverse de l’épisode VII : The Force Awakens
Comme je le disais dans cet article, La Menace Fantôme est l’exact opposé de The Force Awakens. Le premier prend tout le monde à revers en offrant quelque chose de jamais vu dans la saga, tant dans son Univers Étendu que dans ses films. Le second recycle les éléments marquants de la première trilogie pour satisfaire les attentes primaires. D’ailleurs l’absence de background est le reproche que je constate le plus souvent dans les critiques de ce film par les « true fans » de la saga.
Mais face à ces deux excès la question est :
- Lequel est le plus courageux ?
- De deux, lequel a le plus enrichi l’univers de la saga ?
- Qui est le plus sincère dans sa démarche ?
Je ne dis pas que l’un est supérieur à l’autre (ne me tentez pas), je dis simplement qu’il est important de contextualiser ces films et ces récits. Entre fans purs et durs, nous avons toutes les billes qu’il faut pour le faire.
La Menace Fantôme : À revoir avec un œil neuf
Non, La Menace Fantôme n’est pas un « mauvais film ». Il n’est effectivement pas le meilleur mais il tient tout à fait la comparaison avec The Force Awakens, qui est son reflet inversé. Il y a de la mauvaise foi dans les critiques terribles qu’on peut lui faire. On pourra toujours le comparer avec d’autres films de science-fiction qui ne se comparent pas ou d’autres films de la saga. Il restera un long métrage unique en son genre et la véritable démonstration de l’essence de la saga Star Wars que Georges Lucas voulait faire à son public.
On attache souvent plus d’importance à la critique négative, estimant qu’elle a plus de poids qu’une positive. Nous sommes bien sûr tous libres de ne pas adhérer à cette vision de la saga. Mais il s’agit tout de même de celle de son créateur et mérite qu’on la creuse avant de trancher. Je ne dis pas qu’il faut crier « chef d’œuvre », mais simplement affiner sa vision du film, pour admettre qu’il s’agit ici d’une œuvre plus fine qu’il n’y parait.