Alors que la barre des 40 billets sur ce blog approche (déjà !), nous allons pour la première fois parler du Marvel Cinematic Universe (MCU), fort d’actuellement 24 films ! Beaucoup s’accordent pour dire que parmi tous ces longs métrages, peu sortent du lot. Ce n’est pas faux, mais il y a tout de même quelques bijoux à regarder sans modération, dont celui qui fait l’objet de ce billet : Captain America, le Soldat de l’hiver, qui est à mes yeux le plus réussi de tous… et de loin !
Captain America : Le Soldat de l’hiver, un film inattendu
Réalisé par les frères Russo et sorti en 2014, Captain America 2 m’a séché sur place. J’étais allé voir ce film avec de l’entrain, même si le premier volet m’avait laissé une sensation tiède de film faisant tout juste le boulot. Il faut dire que Captain America est l’un des comic books les plus sympas de l’univers Marvel ! Quiconque en a déjà lu un ne pourra que le confirmer.
Cette suite qui n’en est pas une est pour moi le meilleur film Marvel jamais sorti. Non pas qu’il colle parfaitement à l’univers Marvel au sens large ou qu’il s’agisse d’une adaptation réussie et fidèle à son œuvre. Non, ce Captain America : Le Soldat de l’Hiver est pour moi le meilleur film Marvel pour sa critique tranchante du monde dans lequel nous vivons. Maestro, bande-annonce !
Il est toujours agréable qu’une bande-annonce préserve l’intrigue du film qu’elle présente. Ne vous y trompez pas, derrière ces coupes et extraits enchevêtrés annonçant un film qui promet d’être tout à fait banal, se cache quelque chose d’absolument génial !
Derrière ce film se cache une violente critique des états-unis
Je ne vais pas spoiler des masses rassurez-vous.
Au travers même du concept du SHIELD et de ce projet « Insight » (en français : Perspicace), des barges volantes autonomes chargées d’éliminer toute personne représentant une menace « potentielle » pour les USA, se cache une critique des états-unis. Particulièrement de ses politiques intérieures et étrangères successives. Obama l’a dit lui-même, tout est bon pour servir le bien des États-Unis d’Amérique, y compris « tordre le bras d’un pays » récalcitrant à l’idée de servir ses intérêts. Tout est bon, y compris donc fabriquer des ailes volantes armées jusqu’aux dents pour dézinguer à tout va.
Le positionnement de Captain America face à ce projet est très intéressant, car avant même qu’il ne comprenne quel loup se cache derrière, il s’oppose à cette idée, via cette réplique : « Ce n’est pas la liberté, c’est la terreur ». Il refuse l’idée que pour être à la hauteur de son ennemi, il faudrait lui ressembler.
Pour lui la fin ne justifie pas les moyens et défendre un idéal c’est également, parfois, se montrer vulnérable. Une idée à creuser n’est-ce pas ?
Plusieurs messages clairs !
Un autre exemple serait celui des anciens combattants de l’armée américaine qu’on voit dans le film, brisés et traumatisés. Ils ne peuvent compter que sur un ancien soldat, futur side-kick du Captain et lui même abimé par la perte d’amis sur le front, pour les réconforter. Un autre message lancé à l’oncle Sam sur les nombreuses conséquences des décisions prises en haut lieu ces quinze dernières années.
Enfin, on y voit des chefs de gouvernements, complètement dépassés par la machine qu’ils ont enclenché avec ce service des renseignements XXL qu’est le Shield.
N’y voyez aucune ressemblance avec un élément existant ou ayant existé.
Voici déjà une liste intéressante de critiques des USA et du monde occidental au sens large. Rares sont les blockbusters à taper ainsi. De plus, ce film étant un Disney/Marvel tous publics, peu de gens sont allés chercher ces messages, partant du principe qu’il s’agissait d’un film pop-corn pour lequel il ne faut surtout pas « se prendre la tête ».
Le Soldat de l’Hiver est un symbole particulièrement fort
Le soldat de l’hiver, personnage connu de l’univers Marvel, est ici riche de messages. Tout d’abord, il y a cette idée que l’ennemi est souvent une réaction, une sorte d’effet miroir. Cela pose pas mal de questions :
Ne créons-nous pas nous-mêmes nos ennemis via notre comportement ? Une question qui ne se pose pas toujours à titre individuel, mais à l’échelle d’une nation ? d’une culture ?
Si on place cette réflexion dans l’actualité géopolitique, on se rend compte que cette dernière est remarquablement pertinente et tout à fait d’actualité. Encore plus aujourd’hui qu’au moment de sa sortie en salles.
Une machine qui s’humanise
La déshumanisation de ce personnage est également très intéressante. Au début du film, c’est plus une machine qu’un homme. Monstre redoutable, sans pitié, nuisible détruisant tout ce qu’il touche ! Puis… on découvre son identité et son passé. D’un coup, on comprend ce personnage, il s’humanise brutalement et on commence même à éprouver de la compassion pour lui… Jusqu’à le considérer comme une victime. Les centaines de meurtres dont il est l’auteur sont d’un coup… une conséquence dont il est à peine responsable.
À nouveau, il s’agit d’un traitement aux antipodes de beaucoup de films d’action et de guerre, un traitement très concret. Il n’est pas nouveau en soit, mais n’est pas non plus larmoyant, ce qui est souvent le problème de ce genre d’axe.
Captain America représente les idéaux des USA face à ses propres dérives
Le message ne peut pas être plus clair que celui-ci !
Peu de gens le comprennent : Captain America (que ce soit dans le comic book ou dans les films) ne défend pas les intérêts des USA, mais bel et bien ses idéaux. Et lorsque ces idéaux sont bafoués par son propre pays il n’hésite pas à faire face, quitte à en devenir lui-même l’ennemi.
C’est là son vrai super-pouvoir.
Tout est là : Lorsque notre pays commet des dérives qui vont à l’encontre de nos valeurs. Celles qui nous sont propres, qui nous motivent, qu’on inculque à nos enfants et qui nous font agir tous les jours. Que doit-on faire ? Rester planter là ? Accompagner ce mouvement en considérant qu’on ne pourra rien faire seul ? Ou faire face et considérer que nous ne serons pas complice de cela ?
Chers amis, méditons.
Cool tout ça, et le film en lui-même ?
Et bien le film en lui-même est un missile ! Une réalisation froide, dure. L’action est franche, vive. Les frère Russo veulent nous plonger au cœur du combat. Une caméra portée fébrile, comme si nous étions au milieu de ce chaos, tout en restant fluide et particulièrement lisible. De même, l’action peut nous tomber dessus sans prévenir, ou encore jouer avec nous pendant de longs moments où on sait que ça va péter, sans qu’on sache vraiment quand ou comment. En voici un parfait exemple avec cette scène :
Une réalisation directe et franche
Durant l’action en elle-même, rien n’est « suggéré ». Aucun plan ne facilite la cascade ou demande au public d’interpréter ce qui se passe. Non, bien au contraire. L’action est à la fois immersive, nette et particulièrement tendue. On se sent piégé dans cet ascenseur au milieu de ces sbires, avec pas moins de six points de vues différents. La seule chose qui n’est pas ici de l’ordre du réel, c’est bien évidemment la force surhumaine de Captain America, inhérente au personnage.
Le sentiment de solitude et d’abandon est très fort à la fin de cette scène. Notre héro est seul, définitivement.
Le reste du film est dans cette ambiance. Le personnage du soldat de l’hiver est implacable et nous fait trembler à peine on aperçoit sa silhouette. La révélation du film nous glace d’effroi tant elle est absolument énorme, balayant nos certitudes et bouleversant l’intégralité du Marvel Cinematic Universe. Ces conséquences sont d’ailleurs complètement sous-exploitées dans les films suivant cet arc narratif.
Face à cela, Captain America n’a à la fois jamais été aussi fort et aussi vulnérable. Le cap qu’il se fixe (jeu de mot !) le pousse à contre-courant de tout et de tous. Il trouve un soutien dans quelques amis, mais on sait au fur à fur du déroulé du film, qu’il aurait agit de même s’il eu été seul.
Un missile !
Avec ce film, Marvel envoi un missile ! Essai retenté avec Captain America 3 : Civil War, malheureusement raté, car victime d’un virage scénaristique qui fait tout tomber à plat, de coupes au montage dans tous les sens et d’un manque certain de cran dans le développement des personnages…
Unique en son genre dans le MCU, Captain America : Le Soldat de l’Hiver restera dans les annales comme le film Marvel le plus incisif et le plus critique envers la culture dont il est l’un des fers de lance ! C’est bien trop rare pour ne pas être salué.